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Au-dessus de la tête de la dormeuse, un vase de fleurs pendu en biais à un poteau contenait une branche de chrysanthèmes violets. À un autre poteau une cigale prisonnière dans une cage de jonc lançait périodiquement son cri rhythmé en crescendo. Dans une encoignure de la chambre, au fond d’une niche formée de montants en bois brut et de frises sculptées à jour, on apercevait vaguement dans l’ombre une image de Benten victorieuse, montée sur un dragon blanc.

Tout d’un coup la jeune fille se leva, rejeta son kimono ouaté, prit ses habits de ville et, poussant doucement un des écrans de la chambre, disparut. Elle se trouvait cachée dans l’étroit corridor qui séparait l’appartement de la clôture en volets qu’on ferme le soir et dont les panneaux sont ramenés le jour dans une sorte d’armoire à coulisses.

Les parents entendirent le parquet craquer sous ses pieds nus, puis ils reconnurent qu’elle enlevait le verrou de bois qui fermait les volets, qu’elle faisait glisser un des volets dans la rainure et qu’elle mettait à ses pieds les petits bancs de bois qui servent de chaussure aux Japonais.

Le couple inquiet se mit à suivre avec précaution la belle pâtissière ; il la vit traverser le jardin sur les petits blocs de rochers qui servaient de chemin au milieu des fleurs et des ruisseaux, ouvrir la légère porte de bambous, et s’éclipser dans le sentier ombreux qui suivait le bord du lac.

Le temps était brumeux. On était à la fin de l’automne. Ce n’était plus cette époque charmante au Japon où la lune brillante se lève énorme derrière les érables aux feuilles pourpres ; l’année était avancée, les feuilles s’étaient séchées et faisaient sous les pieds un bruit de papier froissé ; la lune était voilée et donnait au paysage une teinte vague.

Les parents suivaient la jeune fille qui marchait d’un pas rapide et semblait ne plus toucher la terre. Son corps harmonieux glissait à travers les bosquets, et c’était plutôt une hirondelle au printemps qu’une femme.

Elle arriva bientôt en face de l’île de Benten, franchit le petit pont