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promenades japonaises.

les Japonais s’accroupissent ou s’étendent comme les anciens Romains lorsqu’ils voulaient manger.

Un jeune garçon est justement couché sur le ventre, le torse relevé, appuyé sur les coudes. De temps à autre, ses mains ou ses pieds nus se lèvent ou s’abaissent par un mouvement machinal qui permet de constater la finesse et l’élégance de ses extrémités.

Il cause avec une jeune fille étendue également à côté de lui.

Voyant que nous désirons nous arrêter, il fait un signe à sa petite camarade qui se relève aussitôt, nous salue et vient à nous d’un air souriant : c’est la servante de l’établissement.

Sa figure est charmante malgré le soin qu’elle a pris d’exagérer sa coiffure, de se mettre du blanc sur le cou et deux points de vermillon sur la lèvre inférieure. Elle porte une robe à fond blanc sur laquelle volent des papillons bleus. Une large ceinture de crêpe rouge enveloppe sa taille et se combine avec une bande de crêpe violet vif. Ses pieds nus sont chaussés de lourds guetas en bois et ses bras, nus aussi, sortent des longues manches qui lui servent de poches…

Elle nous sert une infusion de fleurs de cerisier conservées dans du sel. La fleur nage dans l’eau bouillante au milieu de la petite tasse en porcelaine bleuâtre : c’est charmant à voir, atroce à boire.

La jeune fille rit et veut causer ; mais, voyant que nous ne comprenons pas, elle cherche à nous amuser par d’autres moyens, et, au Japon, les moyens de s’amuser sont nombreux.

Voyez plutôt : elle nous apporte de petits gâteaux très légers, et, comme nous faisons mine de les croquer, elle part d’un éclat de rire et sa main fine nous les arrache des doigts. Ce sont des gâteaux des poissons ; on les jette au milieu des lotus, on frappe dans ses mains pour que les gourmands aux écailles d’or accourent et les fassent sauter sur l’eau ; c’est très gai.