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tions, appuyant sur les consonnes fermées, faisant moduler la voix presque comme un chant.

Nous sommes arrêtés à deux pas de la scène, mais notre présence ne trouble ni l’attention de l’élève ni le débit de la maîtresse, qui nous a bien vus du coin de l’œil, mais redouble d’ardeur, pensant avoir un public de connaisseurs.

Tout émerveillés de ce commencement de promenade, nous arrivons chez une des personnes que nous avons à voir. Nous comptons beaucoup sur cette visite pour obtenir les renseignements nécessaires aux études que nous devons faire. Il nous faut des autorisations spéciales pour pénétrer dans les bonzeries, il nous faut des interprètes intelligents, il nous faut surtout des conseils pour nous diriger dans nos recherches.

C’est du moins ce que nous expliquons à notre compatriote, mais il n’a pas l’air de bien comprendre que nous ayons fait tant de chemin pour si peu de chose.

— Étudier les religions du Japon ? Vous n’y arriverez pas. C’est moi qui vous le dis. D’abord, les prêtres n’y comprennent rien. Tous ignorants, crasseux, ladres. Et s’ils savent quelque chose, ils ne le diront pas. J’ai essayé, moi qui vous parle, et je n’ai pu arriver à rien, ainsi !

Désarçonnés du côté de la science, nous nous raccrochons à l’art.

Regamey insinue qu’il pourra au moins faire des croquis.

— Du dessin, de la peinture ! Mais ne venez pas au Japon pour cela. C’est un pays terne, sans lignes, sans horizons ; les maisons sont noires, les vêtements gris, les femmes laides, les hommes hideux. Prenez le bateau qui part samedi prochain, il vous mènera en Égypte, en Italie ; c’est là qu’est l’art ! Pour Dieu, quittez le Japon ; c’est un pays sans couleur.

Encouragés par ces théories, nous nous sauvons au plus vite et nous