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promenades japonaises.

« Où allez-vous ainsi ?

— Nous sommes les fidèles d’Assano, répondit poliment le chef, Ooïski-Kouranosouké ; nous allons en grande hâte pour assassiner le vieux Kira, l’ennemi de notre maître.

— C’est très-bien, mais vous ne passerez pas. »

Les fidèles saluèrent et rebroussèrent chemin.

Comme à cause de la neige les rues étaient désertes, ils parvinrent cependant jusqu’à l’habitation de Kira, le tuèrent et emportèrent sa tête au temple de Singakoudji où reposait le corps d’Assano.

Chemin faisant, ils trouvèrent un puits. Ils y puisèrent de l’eau pour laver la tête qu’il fallait présenter convenablement ; ils l’enveloppèrent dans une étoffe de soie. Pendant l’opération, un des fidèles accroupi tenait avec respect sur une tablette portative la stèle funéraire d’Assano et la lame du sabre qui avait servi à son harakiri, le même sabre dont la pointe avait, le jour de l’insulte, effleuré le front de Kira.


Le puits où fut lavée la tête de Kira.
(Fac-similé d’un dessin japonais.)

Enfin ils présentèrent solennellement devant le tombeau la tête coupée, puis allèrent se livrer à la police.

Tous furent condamnés à s’ouvrir le ventre et leurs quarante-sept tombes furent placées à côté de celle d’Assano.

Ce sont ces monuments que nous allons visiter. Les fidèles et leur maître reposent dans un petit enclos à l’ombre d’arbres gigantesques. Chaque tombe a la forme d’un cippe carré et porte le nom du défunt.

Deux tombes furent ajoutées aux quarante-sept dont je viens de parler. On enterra là un marchand d’Yeddo qui protégea les roonins et leur procura de l’argent et des armes.

La cinquantième tombe est celle d’un enthousiaste. Il y a quarante ans, un visiteur contemplait le petit cimetière où l’on a enseveli tant de courage et tant de dévouement. Tout d’un coup le visiteur, pris d’un beau