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promenades japonaises
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forêts impénétrables entourée par des précipices et défendue par des torrents furieux.

Shoodoo-Shoonin fut, au viiie siècle le saint Bruno de cette Grande-Chartreuse. Deux fois, il essaya de pénétrer dans ce pays splendide et sauvage ; deux fois, il échoua.

À la troisième tentative, il arriva sur les bords d’un lac superbe, entouré de sites majestueux. Il y fonda un monastère où il installa de jeunes disciples. Mais il voulait aller encore plus en avant et atteindre les sommets vierges que personne encore n’avait visités.

De quelque côté qu’il se présentât, un torrent lui barrait le chemin. Alors il se souvint que, grâce à l’intervention divine, les missionnaires bouddhiques avaient traversé sans ponts, sans barques, les fleuves les plus rapides, les torrents les plus escarpés ; il se rappela que le prêtre chinois Guensoo-Sanzoo, à la recherche des livres sacrés de l’Inde, avait traversé le Gange, grâce à la complaisance du dieu Jïnja-daïoo, le maître des serpents. — Peut-être s’agit-il de Siva lui-même.

Shoodoo invoqua Jïnja et s’en trouva bien. En effet, le dieu apparut au milieu des nuages tenant un serpent dans chacune de ses mains ; l’un était rouge, l’autre vert. Les deux serpents qui étaient à ce qu’il paraît de belle taille, furent placés sur le torrent en manière de pont. Mais le saint hésitait ; il n’était pas équilibriste. Alors une balustrade en jonc poussa rapidement sur le dos de chacun des animaux, un plancher sortit de leurs flancs et le saint passa.

C’est en ce même endroit qu’il fit construire le pont qui mène à Nikko et qui fut remplacé depuis par le superbe pont en laque rouge avec armatures dorées qui existe encore.


Ponts sacrés de Nikko.

Arrivé sur la montagne, Shoodoo fut reçu par les dieux de l’endroit qui, selon l’usage des personnes bien élevées au Japon, commencèrent