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promenades japonaises.

Il est de la catégorie des voyageurs qui s’imaginent que, lorsque l’on est dans un pays étranger, c’est une excellente occasion qu’on a là d’étudier ce pays. Or, cette catégorie, — chose curieuse, — n’est pas très nombreuse.

Parmi les Européens qui séjournent dans l’Extrême-Orient il y a ceux qui regardent, écoutent, apprennent. Et puis, ceux qui ne regardent pas, n’écoutent pas, n’apprennent rien.

Ceux qui se mettent au courant de la langue, recueillent les légendes, étudient les mœurs, pénètrent dans les usages, se font des amis indigènes, s’abandonnent au pays où ils sont. Et puis, ceux qui veulent trouver partout leur langue, leurs meubles, leurs mets, regardent comme non avenus les habitants qui les coudoient, ferment les yeux aux paysages, tournent le dos aux détails locaux et trouvent complètement ridicule tout ce qui n’est pas eux.

Eh bien, ces derniers font la masse.

C’est donc une chance heureuse pour nous d’avoir pour compagnon un représentant de la minorité.

Le chemin de fer a un petit air coquet fort agréable ; les employés, vêtus de coutil blanc, sont élégants et distingués ; les wagons, un peu étroits, sont commodes néanmoins et communiquent les uns aux autres comme en Amérique.

Tout cela est propre et bien tenu ; c’est un chemin de fer de salon.

Ce fut un grand événement que le jour de l’inauguration de cette ligne. Le Mikado lui-même, le Mikado que personne n’avait encore entrevu, se révéla aux populations ; le Dieu vivant semblait descendre du ciel tout exprès pour prendre le train. C’était comme un hommage solennel rendu par les anciennes traditions aux divinités nouvelles qui mènent le monde ; la mythologie venait saluer la locomotive ; le shin-