Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
promenades japonaises.

et de grandir, desservie par un fleuve énorme, par de nombreux canaux et par la mer infinie.

Sept collines naturelles, comme à Rome, dominaient la ville. La plus considérable fut fortifiée, entourée d’immenses fossés, et devint la résidence imprenable du grand ministre japonais. Les autres se couronnèrent de jardins et de temples.

Des routes pavées à l’antique d’immenses blocs de granit mettaient cette capitale en relation avec le pays tout entier.

Chaque province avait son seigneur, son daïmio, aux ordres du Shiogoun, et, grâce à ces chefs, le Japon suivait l’impulsion donnée sans cesse par le grand ministre militaire, par ce souverain de seconde catégorie.

C’était au point que les étrangers, les Européens surtout, prenaient le Mikado pour un pape, et supposaient que le Shiogoun était l’empereur effectif. Les Coréens, les Hollandais l’appelaient Taïkoun, ce qui veut dire grand Seigneur.

Tout d’un coup, le Mikado se réveilla. Effrayé sans doute par les nouveaux principes d’une civilisation qui s’imposait, averti par l’arrivée des Russes, le débarquement des Américains, l’intervention des Anglais et des Français, il descendit de son Olympe et voulut prendre la direction des affaires. Ces idées nouvelles, qui envahissaient le pays jusqu’alors fermé, n’étaient possibles à ses yeux que présentées par une inspiration des êtres surnaturels qui président sans cesse aux destinées du grand Nippon.

Et il dit au Taïkoun :

« Il faut vous en aller ! »

Le Taïkoun résista. Il fut brisé.

Le ministre vaincu vit maintenant retiré dans ses terres de Shizoka, remplaçant la guerre par la chasse et l’administration qui lui manque