Page:Guimet - Promenades japonaises, 1880.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

pendaient aux colonnes de leurs temples des guirlandes de verdure garnies de bandelettes.


Ces mias (chapelles vides) semés dans la campagne ne sont donc que des symbolismes de sainteté. On les fait précéder d’un arc de triomphe (tori-i) en bois ou en pierre affectant la forme relevée des perchoirs de faucons.

À certains moments, des citoyens officient. Ce ne sont pas des prêtres. Comme chez les veddhiques, comme à Rome, le sacerdoce est une fonction civile. Pour s’adresser aux dieux, on coiffe la tiare, on revêt de longs costumes où dominent le blanc, le noir, le violet.

Voilà la vraie religion du Japon, voilà sa croyance la plus ancienne, voilà le Shin-to simple, pur, grave.

Un peuple qui comprend ainsi le culte de la nature ne doit aborder l’art, ne doit toucher à l’imitation qu’avec une réserve, un respect, un amour, une conviction qui le sauvent de toute erreur et de tout mauvais goût.

Et voilà pourquoi l’art primitif au Japon est essentiellement correct, harmonieux et sobre.

Cette sorte d’austérité a eu son correctif dans le caractère même du peuple qui nous occupe. Le Japonais adore la nature, mais la nature est ici tellement gracieuse que forcément le Japonais est gai. Volontiers, le sourire ira jusqu’à la grimace ; les Téniers viendront chatouiller les Van Dyck sévères. La légende nous raconte que lorsque Amateras, aux longs cheveux, personnification du soleil, se réfugia, triste et confus, dans la grotte sombre qu’il ne voulait plus quitter, Okamé, la grosse réjouie, vint l’agacer par l’aurore de son large rire ; armée du sistre sacré, elle dansa devant la grotte et le soleil se montra de nouveau. Les peintres aiment Okamé. Sa figure ronde et joviale leur sert souvent d’enseigne. C’est dire que l’art sera sérieux, mais ne sera pas triste.