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tiers à la couleur locale, n’hésite pas et revient, quelques minutes après, vêtu, ainsi que Matsmoto, de longs et amples kimonos japonais.

Je dois le reconnaître : Matsmoto est transformé ; il n’a nullement la prétention de lutter de beauté avec l’Apollon du Belvédère ; on peut même dire que, emprisonné dans la jaquette européenne, il a un aspect assez chétif et étriqué. Mais, tout d’un coup, il a pris la démarche d’un prince de l’antique Asie ; ses gestes harmonieux sont soulignés par les plis des draperies ; les fines attaches de ses pieds, de ses mains, de son cou, donnent de l’élégance à toute sa personne, et je ne comprends vraiment pas pourquoi les Japonais, qui ont un costume national commode, artistique et économique, se croient obligés de s’habiller à grands frais avec nos vêtements gênants et ridicules.


Le couvert sur la natte et la carte à payer, au restaurant de la lune et des fleurs.

Aussi, tandis que nos deux compagnons s’étendent avec nonchalance sur la natte moelleuse, je cherche vainement une position qui ne fasse pas craquer mon pantalon et ne me donne pas de vagues ressemblances avec un singe à quatre pattes ou un ours savant.

Le repas commence.

D’abord du thé et des gâteaux spongieux (kasteïra) ; puis on apporte le potage, servi dans des tasses à couvercle en laque noire. Le potage (soui-mono) se compose d’un morceau de poisson bouilli, nageant dans l’eau en compagnie d’un cube de flan et de plusieurs petits oignons.

C’est très bien ; mais c’est avec de petits bâtonnets qu’il faut découper le poisson, en porter les fragments à la bouche, et retirer des lèvres les arêtes nombreuses qui encombrent le mets.

Faudra-t-il renoncer et mourir de faim ?

Le moment est dramatique.

Matsmoto nous offre ses conseils. Un des bâtonnets doit se tenir entre le pouce, l’index et le médium, absolument comme une plume à écrire ; l’autre bâtonnet s’introduit dans le pli que forme avec la main la