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Ici la religion est de toutes les fêtes et de tous les spectacles, malgré ce qu’en peuvent dire les Japonais progressistes qui se piquent de libre pensée ; mais il s’agit d’une religion aimable, familière, commode, analogue à celle des Grecs, religion qui n’est pas gênante et n’empêche point de s’amuser.

Je remarque sur un rocher sombre un dieu Quanon drapé de blanc et voilé comme une vierge. Une autre représentation de Quanon est tout à fait prise au sérieux, car les visiteurs lui offrent des sous et des gâteaux : c’est la reproduction d’une célèbre idole de la province de Mino. Ce sont les imprésarios qui profitent de ces offrandes et il est assez curieux de voir des saltimbanques vivre du casuel tout comme de vrais sacristains.



On vend aussi des fleurs, des livres, des peintures sur rouleaux.

D’autres tableaux représentent des Européens mangeant avec des fourchettes, ce qui a paru longtemps incompréhensible. Une dame française apparaît dans un coin juchée sur un vélocipède ; d’où les Japonais doivent conclure que les dames françaises n’ont pas d’autre moyen de locomotion.

Allons maintenant au théâtre, qui n’est qu’une baraque. La pièce qu’on joue est bouffonne quoique religieuse, et c’est un bonze qui fait les frais de l’amusement ; — en plein jardin sacré, c’est assez osé.

Un mari vient de perdre sa femme ; armé d’une épitaphe comique écrite sur une planchette, il vient commander au bonze l’enterrement de sa chère moitié. Discussion, jeux de mots, épigrammes, ripostes du bonze, plaisanteries du veuf. La pièce est dans ce trait final : effrayé des exigences du clergé, ému à la pensée des sommes folles qu’il va avoir à dépenser, le mari en arrive à regretter que sa femme soit morte.

Pendant la discussion, l’orchestre ou plutôt le chœur chantonne, pleure, rit, intervient, lance son mot, gratte la guitare, tape sur la calebasse ou la plaque sonore, ponctue les phrases et souligne les traits, tan-