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LA MARQUISE DE CONDORCET

inconnu aux personnes pour lesquelles tu peux la quitter quelques moments. Adieu encore, toi que le cœur le moins passionné ne pouvait, ce me semble, aimer sans passion. Adieu, être attirant qui as su charmer une vie flétrie par tous les malheurs et que j’espère n’avoir aimé d’abord avec trouble que pour sentir davantage le bonheur de l’aimer avec confiance et avec paix. »

Et, quelques jours après cette première lettre, pendant la même absence, elle lui écrivait encore :

« Je viens de recevoir ta lettre, mon Mail. Quoique bien tendre, elle ne me rend pas cette présence si chère et si nécessaire et qui me manque tant ! Pourquoi mon Mail ne me parle-t-il pas de ce qu’il fait, de ce qu’il voit, comme je lui parle de ce que je fais, de ce que je vois et de ma manière de sentir tout ce qui n’est pas lui ? Serait-il possible qu’en te conjurant de m’aimer je t’éloignasse de la première base de tout sentiment, de cette confiance intime qui, seule, prouve le besoin que l’on a de ce qu’on aime ? Ah ! cruel, quel mauvais moyen tu as pris pour rendre la paix à mon pauvre cœur et pour lui persuader que des enfantillages peuvent inspirer l’accent des sentiments les plus tendres et les plus profonds ! Un peu de sincérité coûte donc trop à ton sexe !