1. Si vous voulez me marier,
D’un boulanger ne me parlez pas.
Pourquoi donc, Hélène,
Pourquoi donc, ma fille,
Pourquoi donc ?
2. Le boulanger fouettant sa pâte,
Pourrait de même me fouetter !
Vous dites bien vrai, Hélène,
Vous dites vrai, ma fille,
Vous dites vrai.
3. Si vous voulez me marier,
D’un boucher ne me parlez pas ;
(La mère : Pourquoi…)[1]
4. Un boucher est un homme cruel ;
S’il me prenait pour sa victime ?
(la mère : Vous dites bien vrai…)[2]
5. Si vous voulez me marier,
D’un aubergiste ne me parlez pas ;
6. Un aubergiste avec ses boissons,
M’obligerait souvent à veiller.
7. Si vous voulez me marier,
D’un menuisier ne me parlez pas ;
8. Un menuisier avec ses outils
Fait un vacarme insupportable.
9. Si vous voulez me marier,
D’un maçon ne me parlez pas ;
10. Un maçon, de village en village,
Passe son temps à crépir des murs.
11. Si vous voulez me marier,
D’un charpentier ne me parlez pas ;
12. Avec sa hache, un charpentier,
D’un bout à l’autre me fendrait !
13. Si vous voulez me marier,
D’un cultivateur ne me parlez pas ;
14. Toujours au champ avec le laboureur,
Pour une femme quel pénible métier !
15. Si vous voulez me marier,
D’un cantonnier ne me parlez pas ;
16. Un cantonnier travaillant sur les chemins,
A peine s’il gagne sa vie !
17. Si vous voulez me marier,
D’un tailleur ne me parlez pas ;
18. Un tailleur est un fourbe :
Ce n’est pas un homme d’honneur.
19. Si vous voulez me marier,
D’un couvreur ne me parlez pas ;
20. Un couvreur sur ses toitures,
Risque de se briser les jambes.
21. Si vous voulez me marier,
D’un garçon-forgeron ne me parlez
pas ;
22. Le fils du forgeron auprès de son
soufflet
A un visage répugnant !
23. Si vous voulez me marier,
D’un meunier ne me parlez pas ;
24. Un meunier, de porte en porte,
Ne fait que médire de sa femme !…
25. Si vous voulez me marier,
D’un tisserand ne me parlez pas ;
26. Un tisserand, en tout temps,
Est grand voleur et grand menteur.
27. Si vous voulez me marier,
D’un cordonnier ne me parlez pas ;
28. Tous les cordonniers que vous connaissez
D’un bout à l’autre sont estropiés !
29. Si vous voulez me marier,
Du fils du marquis parlez moi ;
30. Le fils du marquis a des rentes,
Je suis contente d’être sa femme !…
Nota-bene. Je dois le texte de cette chanson à l’obligeance de mon ami M. l’abbé Héno, vicaire à Plouay, qui consacre ses quelques loisirs à sauver de l’oubli les richesses bretonnes disséminées dans sa paroisse et à se faire l’apôtre du réveil breton. Je tiens à le remercier ici pour le précieux concours qu’il a bien voulu apporter à notre œuvre.
Tous les cantons bretons possèdent, paraît-il, une chanson satirique analogue à celle que nous publions ici. — On remarquera la pointe de mordante critique lancée à la plupart des métiers par cette jeune aspirante au mariage, qui entre nous, est un peu matérialiste !