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et que je serais soldat, si le sort m’était défavorable. Cela les effrayait. Et leur ultimatum était un congé, car ils savaient bien que je ne voulais pas me marier sans être fixé à cet égard. Bref, je ne revins plus.

Six mois après, elle devint la femme de l’aîné des Simon, de l’un des lâches qui accompagnaient le petit Barret au rendez-vous des sorciers. La noce eut lieu la semaine même où on l’enterra. La vie a de bien cruelles ironies…


XIV


Il se passa chez nous, pendant le cours de notre première année de séjour à la Billette, deux événements familiaux très graves : la mort de ma grand’mère et le départ de ma sœur Catherine.

Ma grand’mère avait plus de quatre-vingts ans. Un jour de mai, en gardant les oisons, elle fut prise d’une attaque. Inquiet de ne pas la voir rentrer à l’heure du repas, mon père alla à sa recherche et la trouva affalée sur le bord d’un fossé, le côté gauche inerte, la langue pâteuse. On la transporta sur son lit d’où elle ne put plus bouger. Elle resta six mois ainsi, souffrant beaucoup et donnant pas mal de peine. Elle articulait obstinément des sons incompréhensibles qui devaient être des phrases et se mettait en colère parce que nous ne pouvions saisir sa pensée. Il fallait presque toujours quelqu’un à côté d’elle pour la contenter à demi, la faire manger et boire lorsqu’elle en avait envie, et ainsi de suite.

Bien souvent j’entendais prononcer à ma mère ou à