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mot, qui avaient à dépenser un moment de loisir. Quand on pouvait avoir un « berlironneur » quelconque, on dansait agréablement autant qu’on en avait envie : les vieux même faisaient leur bourrée. S’il n’y avait pas de musiciens, les plus dévoués chantaient ou sifflotaient des airs ; et ça marchait tout de même. En plus des danses on avait la ressource des petits jeux. On formait un grand cercle au milieu duquel s’agitait une victime aux yeux bandés qui n’était délivrée qu’après avoir deviné qui lui faisait face, qui lui frappait dans la main, ou autre chose dans le même genre. On faisait donner des gages, ce qui permettait d’embrasser les filles. Enfin, pour les hommes sérieux à qui ces plaisirs-là semblaient trop enfantins, il y avait un jeu de quilles où s’organisaient de longues parties.

Les amoureux, par exemple, ne pouvaient guère s’isoler ; il y avait trop de monde ; la chose eût été aussitôt remarquée et commentée avec malveillance. Ces réunions du grand jour restaient donc très honnêtes : il ne s’y passait jamais rien d’anormal.

Les veillées d’hiver donnaient souvent plus de liberté. Elles avaient lieu d’après le même principe que les vijons. On se réunissait un dimanche dans un domaine et le dimanche suivant dans un autre. On y dansait, y jouait, on y riait. Quelquefois, quand ceux de la maison voulaient bien faire les choses, ils offraient une poêlée de châtaignes, ce qui achevait agréablement la soirée. Et quand on s’en allait vers minuit, on avait parfois la chance de servir de guide, dans l’obscurité, à l’élue de son cœur, ce qui était tout à fait charmant.

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Ce fut dans cette circonstance que j’en arrivai à faire des aveux à Thérèse Parnière, ma voisine de la Bourdrie. Depuis ma première sortie chez Vassenat, pour ne pas dire depuis la noce de mes frères, je me sen-