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taine d’années, aux larges épaules, à la figure grimaçante et rasée ; de bonne humeur, il souriait constamment d’un sourire bénin ; mais quand quelque chose ne lui allait pas, son visage se plissait, devenait dur. Ce jour-là, justement, il était de fort méchante humeur parce que la foire ne valait rien et qu’il fallait vendre à bas prix ou ne pas vendre. Il se fâcha parce que trois des cochons étaient trop inférieurs ; il dit qu’on aurait mieux fait de les laisser à la maison, attendu que la bande se trouvait dépareillée de leur présence et qu’il était quasi-impossible de les faire partir avec les autres.

Cependant il se faisait tard : j’avais toujours froid et je commençais à trouver le temps long. Mon père me proposa bien d’aller faire une tournée en ville pour me réchauffer ; mais je refusai, ayant peur de m’égarer, et aussi parce que m’effrayaient tous ces gens inconnus que je voyais circuler.

Plusieurs tentatives de vente ayant échoué, nous nous disposions à repartir lorsque, vers dix heures, les cochons furent achetés, après un long débat, par un marchand très loquace, sauf pourtant les trois petits dont il ne voulut pas. À vrai dire, M. Fauconnet n’essaya guère de les lui faire accepter. Il aima mieux lui vendre plus cher les autres et nous laisser ramener ceux-ci pour que nous les fassions grossir davantage. Les peines qui pouvaient en résulter pour nous lui importaient peu !

Sur la route de Moulins, où nous deviens faire au marchand la livraison des cochons vendus, il nous fallut attendre deux grandes heures. Je m’y ennuyai fort, d’autant plus qu’il continuait de faire très froid, le soleil n’ayant pu réussir à percer l’opacité de l’atmosphère hivernale. Quand l’acheteur parut, des gens de bonne volonté nous aidèrent à effectuer le triage des