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les « vieilles gamelles » et deux bandes de petits, soit quinze ou vingt. Tout cela s’agitait, grognait, fouillait le sol. Quand les truies avaient des petits tout jeunes qui restaient à l’étable, elles devenaient particulièrement difficiles à garder, l’instinct de la maternité les poussant à aller au plus tôt les rejoindre. Elles perçaient au travers des haies avec une facilité étonnante et il fallait des ruses de stratège pour les empêcher de partir ; il était d’ailleurs impossible de les faire rester bien longtemps. Mais enfin, quand je les échappais dans ces moments-là, j’avais la certitude qu’elles s’en iraient tout droit vers la maison. Il n’en était malheureusement plus ainsi quand les petits, devenus forts, les suivaient. En été, dès l’époque où jaunissent les orges, elles devenaient insupportables, étant maraudeuses à l’excès. Quand elles arrivaient à pénétrer dans un champ de céréales, elles y causaient des dégâts nombreux et il n’était pas commode de les y découvrir ; de plus, il était quasi impossible de les empêcher d’y retourner. Je reçus encore de bonne taloches les rares fois où je ne sus pas préserver de leurs ravages les champs de grain. Après les céréales venaient les fruits. Mes « vieilles gamelles » connaissaient, dans un rayon de plusieurs kilomètres, tous les poiriers sauvageons grands producteurs et j’avais beau courir et me gendarmer, il ne m’était guère possible de les empêcher de faire chaque jour une grande promenade circulaire pour manger les fruits tombés. Les choses continuaient de même à l’époque des châtaignes, des faînes et des glands, et il fallait veiller ferme à cause des semailles nouvelles et des pommes de terre non encore arrachées. Le comble était que toute la troupe ne se suivait pas. Les familles se divisaient, chaque bande de petits suivant la mère en un endroit différent. D’autres fois, les jeunes, trop inexpérimentés, restaient en