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je l’embarrassai beaucoup en lui demandant le nombre des moutons de la bergère.

— Voyons, petit, si tu vas pouvoir trouver la solution de ce problème-là. Écoute bien : Un monsieur passant à côté d’une bergère lui demande combien elle a de moutons. Elle répond : « Si j’en avais autant, plus la moitié d’autant, plus le quart d’autant, plus un, cela m’en ferait cent. » Combien en avait-elle ?

Après avoir cherché longtemps, il avoua son impuissance et je fus obligé de lui dire que le nombre des moutons était de trente-six.

Les jours où je voulais le faire bien rire, je lui racontais les tours du père Gorgeon. Le père Gorgeon, mort depuis longtemps, avait laissé une réputation de farceur et de menteur émérite. Plusieurs de ses récits, passés en légende, couraient le pays.

— Allons, Francis, ouvre les oreilles…

« Une fois, le père Gorgeon avait perdu sa truie. Trois jours entiers il la chercha ; il battit tout le canton sans parvenir à la trouver et rentra chez lui bien désolé. Mais voilà qu’étant allé cueillir de l’oseille dans son jardin, il perçut un grognement qui semblait provenir d’une énorme citrouille située à l’extrémité d’un carré de haricots. Bien vite, il s’approcha : la truie était là dissimulée à l’intérieur du gros giraumon ; elle y avait fait les petits, — huit porcelets roses et blancs très vivaces, — et il y avait encore de la place de reste !

« Étant allé certain matin d’août dans son champ de pommes de terre, il avait été très intrigué de voir le sol se soulever par endroits. Il avait cru d’abord à des pérégrinations souterraines de taupes, mais pas du tout : ayant creusé avec sa marre pour se rendre compte, il vit que c’étaient les tubercules seuls qui, grossissant avec une rapidité inouïe, provoquaient ces soulèvements anormaux. »