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XLIX


Quand Victoire allait voir Clémentine à Franchesse, elle revenait toujours bien désolée, car notre pauvre fille était malheureuse. Elle venait d’avoir un quatrième enfant et Moulin, qui s’était brouillé avec le jardinier du château, manquait de travail. Les ressources diminuées n’assuraient plus le nécessaire au ménage augmenté. Le loyer était en retard ; deux sacs de grain étaient dus à nos successeurs de la Creuserie, et des habits au marchand du bourg.

La pauvre Clémentine pleurait en racontant à sa mère toutes ses misères. Elle ne sortait jamais, n’allait même plus à la messe à cause des enfants que leur père ne voulait pas garder. Mais le pis était l’état de sa santé toujours souffrante, elle s’affaiblissait progressivement ; l’une des religieuses de Franchesse, qui vendait de la pharmacie et s’entendait un peu à connaître les maladies, lui avait dit qu’elle était prise d’anémie chronique.

— Il vous faudrait du repos, de la nourriture substantielle, du bon vin, lui avait-elle dit.

Cela lui avait fait l’effet d’une cruelle ironie, à elle qui avait quatre enfants sur les bras, quatre enfants qui manquaient d’habits et qu’elle avait la crainte de voir manquer de pain.

— Elle est maigre à faire pitié et faible à ne pouvoir se tenir debout, me dit Victoire en pleurant, un jour qu’elle rentrait de la voir, au mois d’octobre 1880.

Pour la Toussaint, quelques jours après, je me rendis à mon tour aux Fouinats. J’eus le cœur serré dès