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La bourgeoise avait préparé à leur intention une soupe au lait, des haricots verts au beurre, un poulet rôti et une salade à l’huile de noix. Ce repas était seulement pour eux. (Faire de l’extra pour tout le monde serait devenu trop coûteux.) Elle les servit sur une petite table, dans la chambre. Mais Berthe se fâcha :

— Comment, et vous ? Ah ! non, nous ne voulons pas dîner seuls ; nous sommes venus pour être en famille.

Je lui dis que nous ne mangions, nous, qu’à huit heures passé, quand la nuit était tout à fait venue et qu’on ne pouvait plus besogner dehors.

— Par exemple, mon oncle, vous allez au moins rester nous tenir compagnie, vous et le petit cousin.

Et elle fit asseoir auprès d’elle le petit de Jean.

Victoire me dit, voyant qu’ils y tenaient :

— Eh bien oui, Tiennon, il te faut dîner avec le neveu et la nièce.

Je m’en fus changer de pantalon et de sabots, je mis une blouse et pris place à côté d’eux. Ils mangèrent de bon appétit, mais plutôt peu. Pourtant, ils déclarèrent excellente la soupe au lait et ils se régalèrent des haricots qui étaient tendres et auxquels Victoire n’avait pas ménagé le beurre. Par contre, ils ne firent que peu de mal au poulet : cela était plus commun pour eux que le lait et les légumes frais. Je remarquai qu’ils semblaient aux petits soins l’un pour l’autre.

— Vois-tu, Georges… N’est-ce pas, Georges ? faisait-elle à tout propos.

Et lui :

— Voyons, Berthe, tu vas te faire mal, ma chérie ; tu abuses de ces haricots…

Il y avait, comme dessert, de grosses prunes noires.