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— Ah ! oui, le fumier… (Il parut réfléchir). C’est le fumier de vos bêtes, le produit de la fiente et de la litière ?

— Oui, répondis-je avec un sourire un peu moqueur : cette question me semblait bête.

Sa femme me demanda d’autres explications qui m’amenèrent à lui dire que c’était là où nous allions semer le blé que je conduisais ce fumier.

— Ah ! l’horreur ! fit-elle avec un petit cri, le blé avec quoi l’on fait le pain, il vient comme ça, dans le fumier ?

— Mêlé au sol, dit Charles, le fumier ne se voit plus.

Georges reprit :

— Cela t’étonne, Berthe ? La terre s’épuiserait, vois-tu, si l’on cessait de lui fournir des matières fertilisantes.

— Votre charrette est-elle douce, mon oncle, me demanda Berthe ; celle de mon cousin ne l’est guère ; je suis montée un peu sur la route : j’ai eu mal au cœur d’avoir été trop secouée.

Nous arrivions dans la cour. Victoire, le Jean, sa femme et le petit s’avancèrent à la rencontre des Parisiens : il y eut embrassade générale. Georges et sa femme embrassèrent même la Marinette à qui on avait fait mettre à dessein des effets propres ; elle se laissa faire de mauvais cœur, puis se mit à pousser sa plaintive mélopée coutumière qui parut impressionner Berthe péniblement.

Victoire s’était demandée avec inquiétude si le neveu et la nièce avaient coutume de faire maigre le vendredi.

— Peuh ! si vous croyez que ces gens des villes font attention à ça ! avait déclaré Rosalie. Ils se fichent pas mal des jours défendus ; ils n’ont pas de religion.