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d’une touffe de pâquerettes et de fines bottines vernies qui gémissaient à chaque pas.

— Elles sont trop délicates pour nos chemins, vos bottines, nièce.

— En effet, mon oncle. C’est qu’ils sont un peu cahoteux, vos chemins… ; ils auraient grand besoin d’être aplanis.

Elle souriait doucement, et ce sourire corrigeait ce qu’avait d’un peu trop sérieux l’expression ordinaire de son visage, un visage allongé, au nez mince, aux joues pâles, aux grands yeux noirs trop profonds…

Georges, en dépit de ses trente ans, conservait une figure d’adolescent que ne parvenait pas à vieillir le soupçon de moustache couleur blond roux et les rares poils de même nuance taillés en pointe au menton. Il était en pantalon fantaisie noir et blanc, en jaquette noire et chapeau melon ; un col immaculé cerclait son cou mince, aux tons laiteux, et une large lavallière bleue à dessins blancs s’étalait sur son gilet.

Je hélai les bœufs pour les faire repartir et me mis à marcher à côté de Georges qui reprit le bras de sa femme. Il me donna des nouvelles de ses parents qui étaient toujours dans la même maison, au service d’une seule vieille dame de soixante-quinze ans. Ils ne voulaient pas la quitter, comptant qu’elle les coucherait pour une petite part sur son testament.

— Alors, mon oncle, vous revenez des champs avec votre charrette, me dit Georges ensuite, après un silence.

Un peu distrait, je commençai :

― Oui, mons…

(Je faillis bien dire monsieur : dame, il était mis comme un bourgeois, le neveu.)

― Oui, mon neveu, je suis en train de rouler le fumier.