genre). Mais au jour dit, je m’en fus chercher la Marinette, que ma femme et ma bru subirent d’assez bonne grâce, je dois le reconnaître : je n’eus pas enduré d’ailleurs qu’elles lui fissent des misères.
Par exemple, la pauvre fille ne pouvait être sympathique à personne. Son cerveau s’était tellement affaibli qu’il n’y restait nulle trace de raison. Elle continuait à ne guère parler, et ne le faisait que pour dire des choses dépourvues de sens ; mais elle se lamentait souvent en une sorte de mélopée plaintive et prolongée qui contrariait tout le monde et effrayait beaucoup les enfants ; puis, soudain, sans motif, elle se mettait à rire d’un rire strident et pénible. Elle ne se rendait utile d’aucune façon ; depuis longtemps il était devenu impossible de lui confier les moutons.
Sa présence chez nous fit du bruit les premiers temps dans le voisinage ; on parla beaucoup de cette vieille fille innocente qui ne sortait jamais, qui criait souvent : elle était le mystère, l’ulcère de notre maisonnée.
Je ne regrettai pas pourtant de l’avoir prise. En disant que j’étais le seul à pouvoir me charger d’elle, mon parrain était dans le vrai, car j’avais encore plus de ressources que mes deux aînés, bien que ma situation ne fût guère brillante.
Mon parrain, lui, n’avait jamais pu mettre quatre sous l’un devant l’autre. Il était maintenant à Autry, dans un mauvais domaine dont les maîtres, riches autrefois, auraient voulu le paraître encore. La vie de ces gens-là était comique à voir de près, et, dans toute la commune, on riait d’eux. Le mari, un gros bonasse, ayant fait la noce jadis et s’étant laissé entraîner à des spéculations malheureuses, était un peu cause de leur précaire situation du moment. Sa femme, en tout cas, l’en rendait absolument responsable ; elle avait pris