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douceur et de pardon. Leur charité, à elles, s’exerçait surtout en basses vengeances, en coups perfides contre ceux qui n’avaient pas la chance de leur plaire. C’est juste si elles donnaient aux pauvres de la commune un sou par quinzaine et, aux passants du vendredi, quelques croûtes sèches : les autres jours, rien du tout…

Si le Paradis existait vraiment, elles auraient de la peine à s’y faire admettre, en dépit de leurs simagrées, Mlles Yvonne et Valentine…


XLVII


La femme de mon parrain étant morte, je dus prendre ma sœur Marinette que la bru de la défunte ne se souciait pas du tout de garder.

— Tu ne l’as jamais eue, toi, me dit mon parrain ; c’est bien ton tour assurément : d’ailleurs, tu es le seul à pouvoir t’en charger.

J’aurais bien pu lui objecter qu’il ne m’avait jamais offert de la prendre alors que, plus jeune et plus raisonnable, elle était à même de rendre des services. Mais je préférai ne rien dire et consentir de bonne grâce à amener chez nous ma pauvre sœur.

Quand j’annonçai cette nouvelle à la maison, Victoire, d’un ton plaintif, et Rosalie, d’un ton colère, formulèrent alternativement une kyrielle d’exclamations pour déclarer que nous n’avions pourtant pas besoin d’elle, ayant assez de tracas et de besognes déjà. Je laissai passer l’orage en répondant le moins possible. (Le silence est toujours le meilleur moyen d’abréger la durée et d’atténuer l’importance des scènes de ce