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fait bénir en mai, les aubépines des Rogations et les bouquets où sont assemblées les trois variétés d’herbe de Saint-Roch qui empêchent aux animaux la maladie. J’assistais à la procession de Saint-Marc qui se fait pour les biens de la terre et, quelques jours après, à la messe de Saint-Athanase, le préservateur de la grêle. J’aspergeais toujours d’eau bénite les fenils vides avant d’engranger les fourrages. En ouvrant l’entaille dans les champs de blé, je faisais la croix avec la première javelle, et je la faisais aussi sur le grain de semence au moment du vitriolage, et encore sur chaque miche de pain avant de l’entamer, et enfin sur le dos des vaches avec leur premier lait, après le vêlage. Je ne trouvais pas drôle de voir allumer le cierge quand il tonnait fort. Je soulevais toujours mon chapeau devant les calvaires des routes. Et je faisais matin et soir un bout de prière. Il faut dire que j’agissais ainsi autant par habitude que pour contenter Dieu : ces pratiques que j’avais toujours vu suivre me semblaient naturelles. Mais je ne pouvais admettre que manquer la messe un dimanche ou faire gras un vendredi soient des motifs à punition sans fin, pas plus qu’il ne me semblait juste d’attribuer au curé dans la confession le pouvoir d’absoudre tous les crimes.

Sur ces choses, mes garçons partageaient, en apparence du moins, ma façon de voir. Le Jean allait à la messe comme moi, à peu près régulièrement tous les quinze jours. Le Charles, depuis son retour du régiment, n’y allait guère qu’une fois par mois, et encore ! Ce fut lui surtout qui trouva dure l’obligation d’y assister toujours.

— Joli métier, faisait-il, s’il faut être continuellement fourré avec le curé.

Un dimanche, il se rendit à Bourbon dès le matin et ne mit pas les pieds à l’église. Mais le lendemain