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Et s’il nous arrive de faire quand même quelques économies, nous les prêtons à des crapules comme Cerbony qui se sauvent avec !

N’empêche que nous sommes très heureux… M. Lavallée me disait un jour que cela avait été affirmé par un certain Virgile il y a bien longtemps, et que nous devions partager l’avis de cet homme.

Pendant plusieurs semaines, pendant plusieurs mois peut-être, ces pensées justes, mais décourageantes, hantèrent mon esprit. Cela rend toujours malheureux de trop réfléchir à son sort : j’en fis, pendant cette période, la triste expérience.


XLV


Je pris à Saint-Aubin, toujours sur les confins de Bourbon, le grand domaine de Clermorin qui avait soixante-dix hectares. Il était la propriété d’une famille de petits bourgeois campagnards composée d’un monsieur âgé, long, sec et blanc, aux gestes onctueux et à la voix nasillarde, et de ses deux demoiselles, vieilles filles de plus de quarante ans, à physionomie revêche, très bigotes.

Il nous fallut consentir à un tas de choses qui ne les regardaient guère, comme par exemple de ne pas blasphémer, d’assister à la messe chaque dimanche et d’aller à confesse, les hommes une fois l’an au moins, et les femmes deux fois.

M. Noris était agriculteur, c’est-à-dire qu’il avait passé sa vie à ne rien faire, car on ne saurait appeler « travail » la gérance de deux domaines. Il habitait, à