Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mauvais, ne permet pas de le garder, ou bien parce qu’on se trouve à court d’argent. Les riches, propriétaires et gros fermiers, qui ont des avances et des logis convenables, attendent plus tard, et bénéficient souvent d’une hausse importante.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et toujours il nous faut être là, dans les mêmes mauvais chemins, porter toujours de vieux habits rapiécés, crottés, auxquels adhèrent des poils de bêtes, habiter toujours les mêmes vieilles maisons laides et sombres qu’on ne veut pas faire réparer. Il existe ailleurs des terrains qui ne sont pas comme les nôtres, qui sont ou beaucoup plus plats, ou beaucoup plus accidentés ; il y a des rivières bien plus larges que celle de Moulins ; il y a des montagnes, il y a des mers ; mais de tout cela nous ne voyons rien : nous sommes attachés au coin de terre que nous cultivons. Et nous ne voyons pas davantage les belles villes avec leurs monuments curieux, leurs promenades, leurs jardins publics, et nous ne jouissons d’aucun des plaisirs qu’elles offrent. Il y a dans les villes, même dans les petites, même à Bourbon, de bien jolies boutiques ; seulement, ce n’est pas pour nous qu’elles étalent leur magnificence. Oh ! la bonne odeur du pain frais, du pain blanc à croûte dorée que font tous les jours les boulangers ! Mais il n’est pas pour nous, ce pain-là. Et ce n’est pas pour nous non plus que les bouchers accrochent, bien en vue, des animaux entiers ; notre viande, à nous, c’est le porc que nous mettons au saloir chaque année et dont un morceau, plus ou moins rance, fait la potée quotidienne. Avec les porcs, les charcutiers préparent de belles choses bien appétissantes qu’achètent les messieurs de la ville : du saucisson, du fromage d’Italie recouvert de gelée, des jambonneaux tentateurs ; mais ces produits sont trop