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pas ; l’action est salutaire. Quand la neige tombe, par exemple, nous avons des vacances, oh ! de demi-vacances seulement, car les deux pansages quotidiens n’en sont pas supprimés ; et puis, il faut bien confectionner des barrières pour les champs, des râteaux pour les fenaisons, emmancher les outils qui en ont besoin : on a mieux à faire, l’été, que de s’amuser à ces petites choses.

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Eh ! oui, c’est cela, l’année du cultivateur. A-t-il le droit de s’en plaindre ? Non, peut-être. Tous les pauvres sont logés à la même enseigne, tous les ouvriers travaillent sans relâche. Mais dans leurs boutiques, dans leurs usines, les villageois, les citadins n’ont pas à compter avec les éléments extérieurs, — pas du tout, ou seulement très peu. Pour nous, c’est le temps qui joue le plus grand rôle et le temps se plaît à nous contrarier. Voilà la pluie, et la pluie ne s’arrête pas ; les terrains s’abreuvent ; remuer le sol est une folie ; l’herbe croît dans les cultures qu’on ne peut biner ; les labours, les semailles restent en retard et se font mal. Voilà la sécheresse, et la sécheresse n’en finit plus ; la végétation décline ; il faut parfois aller bien loin pour abreuver les bêtes, car l’eau manque dans les mares ; et, si l’on s’obstine à vouloir labourer, on éreinte les bœufs, on se tue soi-même, on risque à chaque minute de casser la charrue. Une ondée survient, insignifiante, mais qui suffit à empêcher de charger du foin, de lier du blé, qui suffit à jeter la perturbation dans le programme d’une journée. Voici un orage, et l’on tremble de la crainte de la grêle. Voici la neige qui dure plusieurs semaines, empêchant les travaux extérieurs, causant un retard difficile à rattraper. Voici des gelées sans neige, avec du soleil le jour, et cela déracine les céréales d’hiver. Voici qu’il