Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la faculté d’en jouir ; mais pour nous, ça signifie seulement qu’il faut se hâter de labourer, de planter les pommes de terre. Vient mai, le fameux beau mois de Mai, souvent pluvieux et maussade, mais à qui les jeunes frondaisons vertes font toujours une parure agréable : il faut briser les jachères, curer les fossés, biner. C’est juin, avec ses beaux soleils ; les haies sont piquées d’églantines, les acacias sont chargés de grappes blanches qui embaument ; il y a des fleurs et des nids partout : mais nous, la belle saison, ça nous dit qu’il faut se lever dès trois heures du matin pour faucher, et qu’il faut travailler sans arrêt jusqu’à neuf ou dix heures chaque soir. C’est juillet, avec ses jours de langueur chaude : qu’il fait bon n’avoir rien à faire, rester nonchalamment étendu sur les canapés moelleux des salons clos, ou bien siroter des boissons fraîches sous la tonnelle d’un parc, ou bien s’étendre sur le gazon des prés, dans l’ombre épaisse des arbres touffus. Les riches font bien de venir habiter leurs maisons de campagne à cette époque. Mais pour nous ce n’est pas le moment de faire des siestes. En grande hâte, il faut finir le foin : le seigle mûrit. Le seigle est coupé : il faut se dépêcher de le battre, car sa paille est nécessaire pour lier le blé qui nous appelle. Hardi ! au froment ! Abattons à grands coups les tiges sèches ! Serrons les javelles brûlantes ! Édifions en meules les gerbes lourdes ! Il fait tellement chaud qu’on n’en peut plus. Mais moi, le maître, je dois quand même entraîner les autres :

— Le travail dégourdit. De se remuer, ça donne de l’air. Hardi ! les gas ! Hardi !…

Ou bien, en guise de variante :

— Dépêchons-nous de finir le froment. Par cette chaleur, l’avoine mûrit vite ; nous allons être en retard.

Août bat son plein, et l’on cuit de plus belle. La