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— Cerbony, Cerbony, dit-il, oui, c’est un homme qui fait beaucoup d’affaires, mais en fin de compte on ne sait pas s’il est riche : si ça tournait mal ?

— Mais, malheureux‚ il gagne de l’argent gros comme lui… Si j’avais son gain d’une année, je serais sûr de vivre tranquille le reste de mes jours.

— Taratata… S’il gagne beaucoup, il dépense de même, vous le savez comme moi. Tenez, Tiennon, je veux bien vous prêter mes deux mille francs, mais à condition de n’avoir affaire qu’à vous ; nous irons chez le notaire qui fera un billet… ; je ne vous demande que quatre francs cinquante d’intérêts ; Cerbony vous paiera cinq : vous aurez dix sous pour cent pour vos peines.

J’étais tellement aveuglé que je fus sur le point de prendre l’argent de Dumont dans ces conditions. Mais Victoire et le Jean m’en dissuadèrent.

À l’époque convenue, je portai donc, tout penaud, mes quatre mille francs au brasseur d’affaires, en lui expliquant que le voisin venait juste de prêter son argent ailleurs quand j’étais allé le voir ; j’ajoutai hypocritement qu’il regrettait beaucoup cette occasion manquée. Cerbony eut un mouvement de mauvaise humeur :

— Vous mériteriez que je vous envoie promener… Enfin, donnez tout de même ce que vous avez : mais c’est bien pour vous faire plaisir.

Il appuya sur ces mots, et son visage s’éclaira du cordial sourire habituel pendant qu’il étalait mes pièces d’or et palpait mes billets de banque. J’étais enchanté qu’il se montrât d’aussi bonne composition. Hélas ! mon enchantement dura peu…

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C’est fin novembre que cela se passait : le 1er mars de l’année suivante, c’est-à-dire trois mois après, comme