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Et, toute rieuse, sautillante et légère, la petite Marthe s’en alla.

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Quelques jours après, vint une pauvre femme dont le mari était malade. Il se plaignait constamment du ventre ; il avait la fièvre et point d’appétit.

— Ces jours-ci, expliqua-t-elle, je lui faisais cuire des œufs, mais à présent il ne veut plus en entendre parler. Je lui ai apporté hier un petit morceau de viande, il ne l’a pas mangé. Les raisins seuls lui font envie : je viens vous en acheter quelques-uns.

Victoire, attendrie, lui en remit trois, disant qu’elle les lui donnait pour son malade ; mais elle ne se fit pas faute de répéter encore :

— Ils ne sont pas à vendre, voyez-vous : c’est pour mon Charles qui va rentrer du régiment que je les conserve.

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De toute l’année, les Lavallée n’avaient pas paru. Ils avaient marié Mathilde au printemps, à Paris, bien entendu, et jusqu’en août ils étaient restés dans la capitale parce que M. Ludovic passait des examens. À ce moment, ils s’étaient rendus en Savoie, au pays des ramoneurs, dans une station thermale dont les eaux devaient avoir cette vertu singulière de maigrir la femme et d’engraisser le mari. Ils avaient ensuite séjourné chez des amis, et c’est seulement dans la dernière dizaine d’octobre qu’ils vinrent à la Buffère pour y passer l’arrière-saison.

Ce fut la veille du jour où Charles devait rentrer qu’ils nous firent leur première visite. Contre son habitude, Mme Lavallée accompagnait son mari ; elle était tout aussi orgueilleuse qu’autrefois ; mais, ayant épaissi en vieillissant, elle était devenue plus nonchalante encore ; elle marchait à tout petits pas, avec un continuel balance-