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lement, cela faisait trois ménages réunis, et quand il y a trois ménages dans la même maison ça ne marche jamais longtemps sans anicroche.

Rosalie n’était pas belle : ses cheveux, d’un blond vif, confinaient au roux ; elle avait le cou dans les épaules et des taches de rousseur tout plein la figure. Mais c’était une intrépide, énergique et courageuse, parlant beaucoup, travaillant de même. Clémentine était bien moins robuste, d’autant plus qu’elle devint tout de suite enceinte et fut prise d’une espèce de langueur qui lui rendait toute besogne très pénible ; elle se faisait de la tisane, du lait sucré, quelques petites douceurs, et s’abstenait de laver. Aussi, Rosalie ne tarda-t-elle guère de parler ironiquement des dames à qui ça fait mal de se mettre les mains dans l’eau fraîche, et qui sont obligées de soigner avec des chatteries leur petite santé.

Quand c’était jour de fournée, alternativement, l’une pétrissait et l’autre s’occupait du four. Mais voilà que le pain fut mal réussi un jour que Rosalie avait pétri, et elle dit que c’était la faute de Clémentine qui avait allumé le four trop tard. La fois d’après, ma fille, à son tour, déclara que si le pain avait la croûte brunie, c’était à sa belle-sœur qu’en incombait toute la responsabilité, attendu qu’elle avait chauffé sans mesure. D’un commun accord, elles en arrivèrent à décider que la même ferait tout, de façon à ce qu’elle n’ait plus la faculté de mettre l’autre en cause, au sujet des défectuosités du travail. Avec cette combinaison, Rosalie s’en tirait très bien, mieux assurément que Clémentine qui, pourtant, se faisait violence pour pétrir de façon convenable.

Nous venions de nous monter, avec l’assentiment du maître, d’une bourrique et d’une petite voiture. Au mois d’août, cela fut cause que l’inimitié s’accrut entre