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nait plus expansif en compagnie de sa sœur : je le voyais parfois lui parler en confidence et ils riaient tous les deux.

Par malheur, la pauvre petite n’était pas d’un bien fort tempérament. Quand il nous fallait l’amener dans les champs, l’été, bien qu’on s’efforçât de lui éviter les postes trop durs, elle devenait maigre que c’en était pitié.


XXXVII


Vint 70, la grande guerre, encore une de ces années qu’on n’oublie pas…

La moisson s’était faite de bonne heure ; nous étions en train d’édifier la deuxième et dernière meule quand, le 20 juillet, vers dix heures du matin, M. Lavallée vint nous annoncer que le gouvernement de Badinguet avait déclaré la guerre à la Prusse. Et il me prit à part pour me dire que le Jean serait appelé sans doute avant peu.

On peut croire que cette confidence me fit plaisir ! Le Jean venait de finir ses vingt-trois ans ; je l’avais racheté lors du tirage et il était en promesse avec la fille de Mathonat de Praulière ; les demandes étaient fixées au premier dimanche d’août ; fin septembre devait se conclure le mariage. Je me demandais si on aurait le toupet de l’emmener malgré l’argent que j’avais déboursé pour le sauver du service. Hélas ! je ne fus pas longtemps à être fixé : cinq ou six jours plus tard il reçut sa convocation, et, le 30 juillet, il dut partir.

J’ai toujours présents à la mémoire les épisodes de cette matinée dont le souvenir compte au nombre des