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était à Montilly, faisait bien ses affaires : la Claudine s’en montrait fière et un peu arrogante.

J’allai donc le lendemain les voir l’un après l’autre ; je leur exposai qu’il était de notre devoir de coopérer de compagnie au soutien de la mère et leur dis ce que j’avais fait pour elle. Le Louis prit l’engagement de payer son pain. Mon parrain promit de l’entretenir de légumes et d’envoyer sa plus jeune fille pour avoir soin d’elle quand son rhumatisme la tiendrait alitée.

Je rentrai à la Creuserie le troisième jour, bien content de moi. En effet, grâce à mon initiative, ma mère fut assurée du nécessaire jusqu’à sa mort, qui survint trois ans plus tard.


XXXVI


Nos enfants devenaient forts. J’étais très satisfait de mon aîné qui était courageux et montrait du goût au travail. Il labourait bien et commençait à me suppléer pour les pansages. Par exemple, il avait le défaut de dépenser beaucoup d’argent. Tous les dimanches, il se rendait, soit à Bourbon, soit à Franchesse, et ne rentrait que dans la nuit après avoir fait un bon repas d’auberge. Ah ! les rares pièces de quarante sous que me donnait mon père dans ma jeunesse ne l’auraient pas mené loin, lui, et je crois qu’il aurait fait joli s’il lui avait fallu s’en contenter. Il est vrai que les temps n’étaient plus les mêmes ; les affaires allaient mieux ; les salaires des domestiques avaient doublé et redoublé ; l’argent circulait davantage. Cela était cause qu’on s’habillait moins grossièrement et qu’on trouvait ridi-