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— Je l’ai tellement ménagé que j’ai laissé geler mes pommes de terre. D’ailleurs, la maison est glaciale ; il vient du vent par la trappe du grenier.

Les pommes de terre étaient sous la maie et débordaient au travers de la pièce. Celles de dessus étaient dures comme des cailloux, mais celles de l’intérieur n’étaient pas gelées, et je le dis à ma mère.

Quand il y eut du feu, je l’aidai à se lever et à mettre la soupe en train, puis je fendis le reste des grosses bûches et m’en allai dans un domaine voisin acheter deux bottes de paille que je montai au grenier pour empêcher le froid de venir par la trappe.

En mangeant, ma mère se montra d’un peu meilleure humeur ; elle me parla de la Catherine, sa préférée. Chaque année, à l’époque de la Saint-Martin, la Catherine lui envoyait l’argent de son loyer ; de plus, lorsqu’elle était venue, elle lui avait apporté toute une provision de bonnes choses : du sucre, du café, du chocolat, même une bouteille de liqueur.

— Si je pouvais lui faire savoir comme je suis, gémit la pauvre femme, bien sûr elle m’enverrait un colis de friandises.

Prenant note de ce désir, je me rendis chez l’instituteur et lui fis faire une lettre pour la Catherine. J’allai ensuite chez un marchand de bois auquel je commandai pour ma mère une voiture de bois que je payai d’avance. J’entrai enfin, au retour, chez la vieille journalière qui la secourait, et, sous promesse de dédommagement, je la chargeai de veiller sur elle de façon suivie.

C’était beaucoup : la réflexion me fit comprendre que ce n’était pas encore assez. Avant de m’en retourner, je voulus parler à mes frères. Ils n’habitaient plus ensemble depuis déjà longtemps. Mon parrain était à Autry : il avait eu des malheurs sur ses bêtes et deux de ses enfants avaient été longtemps malades. Le Louis, qui