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grelots.) Mathilde voulut absolument posséder ce jouet rustique que mon gamin refusa de lui donner, car il lui en voulait toujours du coup de fouet. Et comme elle insistait, se suspendant à ses vêtements, il la repoussa en disant :

— Tu m’embêtes, à la fin, tu ne l’auras pas… ; et je ne veux plus te dire « mademoiselle ». Tu n’es qu’une ch’tite méchante gatte.

Alors elle se mit à geindre :

— Je le dirai à maman, oui, oui, oui… Je lui dirai que tu m’as frappée, que tu m’as insultée, vilain paysan… Et vous partirez de la ferme, tes parents et toi.

Elle s’en alla en bougonnant, furieuse de l’offense.

Ludovic, au bord de la mare voisine, s’occupait à lancer des pierres sur les grenouilles qu’il apercevait hors de l’eau. Après que sa sœur se fut éloignée, il se rapprocha de Charles.

— Tu sais qu’elle est capable, en effet, de le dire à maman ; tu as eu tort.

— Ça m’est égal qu’elle le dise. Je ne peux plus supporter qu’elle soit toujours à me taquiner. Je ne veux plus que vous veniez me trouver ni l’un ni l’autre : vous me prenez pour votre chien.

Et il rassembla les vaches et les ramena, le laissant à ses grenouilles.

M. Lavallée vint le soir même nous rapporter cet incident, car Mathilde avait mis sa menace à exécution.

— Décidément, nos enfants ne s’entendent pas, dit-il. J’ai interdit aux miens de venir trouver Charles et je veillerai à ce qu’ils tiennent compte de mes ordres.

Il se passa peut-être une semaine sans qu’on les vît, puis ils revinrent comme auparavant. Fort heureusement, le départ pour Paris ne tarda pas à survenir.

Je sus plus tard par le jardinier, qui le tenait de la