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dans les concours. D’ailleurs, nous lui certifiâmes tous que les récompenses étaient données à la faveur plus qu’au mérite et que les lauréats même avaient toujours de la perte. D’autre part, il commençait de moins se plaire à la Buffère, et sa femme s’y ennuyait ferme. Pour ces divers motifs, M. Lavallée n’eut plus d’autre ambition que celle de tirer de ses biens le plus d’argent possible. Il nous déclara qu’il en gardait personnellement la direction et il prit tout simplement pour le représenter un jeune homme de Franchesse, nommé Roubaud, le fils d’un petit propriétaire voisin du bourg. Roubaud savait lire et écrire ; il cumula les fonctions de garde particulier et de régisseur ; il fut, d’ailleurs, moins un gérant qu’un simple teneur de comptes, Nous eûmes, nous, les métayers, une liberté plus grande, et les choses n’en allèrent que mieux.


XXXIV


M. Lavallée avait deux enfants, un garçon et une fille : Ludovic et Mathilde. Ils venaient souvent chez nous avec leur père, ou bien avec quelqu’un des domestiques. Ludovic était de l’âge de mon Charles ; la petite avait trois ans de moins. Or, je fus bien étonné d’entendre un jour la cuisinière, et un autre jour le cocher, employer vis-à-vis ces gamins les termes « monsieur » et « mademoiselle ». Je pris à part le cocher et lui demandai s’il était indispensable de leur appliquer ces qualificatifs qui me semblaient ridicules. Il m’expliqua qu’il était d’usage de les décerner dès le berceau à tous les petits riches, et qu’il fallait bien se soumettre à la