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— Si, vous verrez. Il renouvelle vos cheptels en bêtes de choix. D’ici deux ou trois ans, vous irez aux concours et vous obtiendrez des prix.

Tout le temps que le propriétaire resta à la Buffère, M. Sébert nous laissa à peu près tranquilles ; il se borna à nous faire vendre celles des bêtes nouvelles qui présentaient quelques défectuosités. Mais après que M. Lavallée fut reparti, l’histoire de l’année précédente recommença. Sans même donner de motifs, par caprice pur, nous semblait-il, il fit de nouveau tout rechanger.

Au printemps suivant, devant l’unanimité de nos plaintes, le bourgeois comprit enfin que son régisseur l’avait roulé. Dans le sous-seing qu’ils avaient passé, il était stipulé que ce dernier toucherait, en plus de son traitement fixe, cinq pour cent sur les ventes et autant sur les achats. Cette clause expliquait tout : l’amélioration des cheptels avait été le dernier des soucis de Sébert ; c’était uniquement pour faire sa poche qu’il avait vendu et acheté sans relâche. M. Lavallée voulut lui donner congé tout aussitôt ; mais le sous-seing portant engagement pour six années, il demanda pour consentir à s’en aller une indemnité de trente mille francs, puis transigea et daigna accepter les vingt mille francs que lui offrit le propriétaire. Le malin avait certainement économisé, au cours de ses deux années de gérance, une somme au moins égale, sinon supérieure. Il s’en alla se fixer en Algérie, où il devint gros propriétaire vigneron et où il fut très respecté sans nul doute : ne convient-il pas qu’on respecte le possesseur d’une fortune honnêtement acquise ?

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Cette expérience coûteuse eut l’avantage de dégoûter le maître de ses projets de culture savante. Ça ne lui disait plus rien de devenir le Monsieur qui a des prix