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tons et les cochons ; et nous achèterons d’autres bœufs, d’autres vaches, d’autres moutons, d’autres cochons.

Dans les six domaines il dit la même chose ; nous trouvâmes cela d’autant plus bizarre qu’il ne sacrifiait pas seulement les bêtes inférieures : il les voulait toutes faire vendre, bonnes et mauvaises.

Il ne se passa pas de semaine, cet hiver-là, qu’il ne nous faille circuler la moitié d’une nuit sur les routes et nous geler pendant des heures sur un foirail. On allait régulièrement aux foires de Bourbon, d’Ygrande, de Cérilly, de Lurcy, et bien souvent à celles de Souvigny, de Cosnes, de Cressanges et du Montet. C’était très fatigant, très ennuyeux et, à force de se répéter, cela occasionnait des dépenses considérables : car on ne pouvait revenir sans manger, et les aubergistes font payer cher leurs mauvaises ratatouilles. Et le travail des champs ne se faisait pas, pendant qu’on voyageait ainsi !

Quand le propriétaire revint en avril, tous les cheptels étaient changés et n’en valaient pas mieux. Seulement, nous étions endettés de plusieurs milliers de francs, car M. Sébert, quand il s’agissait d’acheter, ne taquinait guère :

— Voilà une bête convenable, disait-il, je veux l’avoir ; les bonnes bêtes ne sont jamais trop chères.

— Il est commode de se passer des fantaisies quand on roule sur l’argent des autres, disions-nous entre métayers.

Nous étions tous furieux après cet original qui nous ruinait…

À sa première visite, M. Lavallée me demanda :

— Eh bien, êtes-vous content de votre nouveau régisseur, Bertin ?

― Monsieur, il aime trop faire des affaires ; il ne fait que vendre et acheter : ça ne peut pas gagner.