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Il y avait dix minutes à peu près que nous étions là quand M. Lavallée parut. C’était un homme d’une quarantaine d’années, plutôt petit, blond, mince et très remuant. En dépit de nos protestations, il nous fit asseoir sur les beaux fauteuils à fleurs bleues qu’il prit la peine de mettre en rang lui-même, face à la porte-fenêtre qui ouvrait sur le parc. M. Parent, et Primaud, le mangeux de lard, se partagèrent un canapé. Le propriétaire s’assit en face de nous, observa beaucoup nos physionomies, puis nous interrogea successivement en commençant par M. Parent. Il dit ensuite qu’il entendait faire de la bonne culture et qu’il comptait sur nous tous pour entrer dans ses vues.

— Il faut que, d’ici quelques années, nous puissions briller dans les concours, conclut-il.

M. Parent, très ému, approuvait en bredouillant, agitant sa grosse tête et roulant ses gros yeux ; sa lèvre inférieure pendait plus qu’à l’ordinaire et laissait passer un jet exagéré de salive. Le maître dut juger, dès cette première entrevue, qu’il n’était pas homme à révolutionner la culture et à perfectionner les cheptels : aussi lui donna-t-il congé peu de temps après.

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Il le remplaça par un grand jeune homme à figure sombre qui s’appelait M. Sébert et qui avait fait ses études dans une école d’agriculture, à Rennes, en Bretagne. M. Sébert entra en fonctions à la Saint-Martin, à l’époque même où le propriétaire quittait la Buffère pour aller passer l’hiver à Paris. Étant venu examiner mon cheptel, il déclara du premier coup qu’il faudrait tout changer.

— Soignez vos bœufs, nous les vendrons ; nous vendrons aussi les vaches dès qu’elles auront leurs veaux ; nous vendrons de même toutes les génisses, et les mou-