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l’argent par le régisseur pour pouvoir payer mes domestiques.


XXXIII


En raison de la grande diminution de ressources et des frais d’indispensables réparations que lui causa la grêle, M. Gorlier passa tout l’automne et une partie de l’hiver à la Buffère. Il était d’une humeur impossible, sacrait et jurait sans relâche, et ne prenait même plus la peine de teindre sa barbe, dont les poils clairsemés étalaient leur blanc sale sur le cramoisi du visage. Il partit néanmoins vers la fin de janvier, en compagnie de Mlle Julie ; ils allèrent à Nice, un pays où il fait du soleil tout l’hiver et où de grandes fêtes ont lieu au temps du Carnaval. Ni l’un ni l’autre ne devaient revoir la Buffère : M. Gorlier mourut subitement, d’une attaque d’apoplexie, une dizaine de jours après son arrivée là-bas, et sa maîtresse, craignant sans doute de se rencontrer avec les héritiers, ne revint jamais. À tort ou à raison, on prétendit qu’elle s’était appropriée la bourse de voyage du défunt.

La propriété passa à un certain M. Lavallée, officier d’infanterie en garnison dans une ville du Nord, dont la femme était la nièce du maître défunt. À la suite de cette aubaine, M. Lavallée donna sa démission et vint, dans le courant de l’été, s’installer à la Buffère avec sa famille.

Le dimanche qui suivit son arrivée, il nous convoqua au château, le régisseur et tous les métayers. Du château, je ne connaissais encore que la cuisine. Mais on nous fit entrer, ce jour-là, dans une belle pièce