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Hélas ! je comptais sans la grêle ! Le 21 juin, elle vint nous ravager de façon atroce. On eut, au beau milieu du plein jour d’été, une soudaine impression de nuit, tellement le ciel devint noir. À chaque instant, l’illumination sinistre des éclairs trouait ces ténèbres ; et, après chaque zig-zag de feu, tonnait la foudre en crescendo. Et ils se mirent à tomber, les grêlons, gros comme des œufs de perdrix, puis comme des œufs de poule, défonçant les toitures et cassant les vitres. La mitraille ensuite dégénéra en averse et notre maison fut inondée. Parce que le sol était plus bas que celui de la cour, par toutes les grandes pluies il entrait de l’eau par-dessous la porte. Mais cette fois il en pleuvait aussi du grenier par tous les interstices des planches ; il en tombait sur les ciels de lit, sur la table et sur l’armoire ; il en ruisselait entre les cailloux pointus de la cuisine, et, dans la chambre, tous les trous du sol en étaient emplis. Les femmes, qui se lamentaient, mirent des draps sur les meubles, — trop tard.

Quand la pluie eut cessé, il y eut à faire dehors une bien triste constatation. Autour des bâtiments, les débris des vieilles tuiles moussues s’amoncelaient au long des murs. Du côté de l’Ouest surtout, il y avait de grands trous dans la toiture qui laissaient voir les lattes grises du faîtage dont beaucoup même étaient brisées. La campagne apparaissait meurtrie sous l’effeuillement prématuré des haies et des arbres. Toutes les brindilles sèches s’étaient détachées et aussi de menues branches vertes, des pétales d’églantine, des grappes d’acacia. Et parmi tous ces débris pitoyables, on trouvait en grand nombre des petits cadavres d’oiseaux aux plumes hérissées. Les céréales n’avaient plus d’épis ; leurs tiges étaient couchées au