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Je cite comme caractéristiques ces trois faits d’entrave aux idées nouvelles, mais il s’en produisit bien d’autres, de la part de M. Gorlier au point de vue de l’amélioration intellectuelle, de la part de M. Parent pour les choses de la culture, et de la part de ma femme pour celles de la cuisine.


XXXII


Il est des années de grand désastre que les cultivateurs ne sauraient oublier, qui sont comme de tristes jalons au long de leur monotone existence. Dans la contrée, pour ceux de ma génération, 1861 est de celles-là. Et, pour moi, cette année fut deux fois maudite, car j’eus à subir, en plus de ma part de la calamité collective, une catastrophe particulière.

Au printemps, dans les derniers jours d’avril, en dressant des jeunes taureaux, je fus, dans une minute de malheur, renversé par eux et piétiné. Résultat : une jambe cassée, deux côtes défoncées, sans compter des lésions et des meurtrissures.

Le docteur Fauconnet vint me raccommoder : il me martyrisa pendant deux heures, me banda la jambe avec des copes de bois et des bandes de toile et m’ordonna de ne pas bouger du lit pendant quarante jours.

Je souffris de façon atroce ; des fourmillements douloureux passaient dans ma jambe malade ; j’avais le corps moulu, brisé ; la fièvre s’en mêla les deux premières semaines au point qu’on pût craindre que des