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par hasard, il est vrai… Et je crois que, sous tous les rapports, je méritais de sérieuses circonstances atténuantes.

Victoire, en raison de son état maladif, était détachée des plaisirs sexuels autant qu’une créature peut l’être. Moi, robuste, plein de vigueur et de santé, j’éprouvais parfois, en dépit de mes fatigues, le besoin de faire acte de mâle. Mais je n’osais m’approcher d’elle, sachant que je serais mal reçu, que ma tentative la rendrait plus encore plaintive et grincheuse, accentuerait son état d’agacement. Or donc je me tenais coi, refoulant mon désir ; mais cela n’en contribuait pas moins à refroidir nos relations. Néanmoins, je ne me donnais pas la peine de chercher ailleurs.

À la maison même, j’aurais bien pu trouver l’occasion avec nos servantes, dont quelques-unes n’eussent pas été, je pense, aussi farouches que la petite Suzanne, de Fontbonnet. Mais j’avais trop le respect de mon intérieur pour en arriver là : je savais que, dans ces conditions, la chose finit toujours par être découverte, qu’il en résulte des brouilles difficiles à raccommoder et que c’est d’un exemple déplorable pour les enfants.

Ainsi qu’il arrive souvent, ma première faute se produisit un jour où je n’y pensais pas du tout. C’était un peu après la mi-juillet ; on venait de terminer la rentrée des foins et celle des seigles, et les blés n’étaient pas encore mûrs. Un orage ayant donné de l’eau la veille, je profitai de cette période d’accalmie pour aller herser un de mes champs de guéret. Ce champ se trouvait assez loin de chez nous, à droite de la rue qui reliait Bourbon et Franchesse et à proximité de la petite locaterie des Fouinats.

J’étais venu au hersage de grand matin, et, comme j’avais dit vouloir faire une longue attelée, Victoire