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Quand quelques-uns de nos parents venaient nous voir, Victoire s’efforçait de faire l’aimable. En dehors de la fête patronale, le fait se produisait assez rarement, car on ne considérait pas comme étranger le père Giraud qui, ayant pris sa retraite, était revenu habiter Franchesse et nous faisait de fréquentes visites. Le pauvre vieux eut la douleur de nous apprendre un jour la mort de son fils, le soldat d’Afrique, qu’une mauvaise fièvre avait tué quelques mois avant l’expiration de son deuxième congé, époque à laquelle il comptait rentrer en France avec une place.

Les enfants de mon parrain et ceux de mon frère vinrent à tour de rôle nous inviter à leurs noces. On était généralement prévenu de leur arrivée et on faisait quelques préparatifs pour les recevoir : l’usage veut que l’on fasse faire bombance aux inviteurs. Quand je n’étais pas trop pressé, je me rendais à Saint-Menoux pour le mariage. Une fois entraîné, je buvais ferme ; et le bon picolo se déteignant sur mon cerveau où il mettait un nuage rose, j’oubliais momentanément mes soucis coutumiers ; j’étais gai, je chantais, je dansais comme les jeunes ; d’autant plus que Victoire, aimant peu sortir, ne m’accompagnait jamais.

Une visite inattendue fut celle de Grassin et de sa femme, revenus faire un tour au pays après dix ans d’absence. Ils se présentèrent chez nous, avec leur petit garçon, un soir, à la nuit tombante, et rirent beaucoup de notre extrême surprise. J’eus de la peine à reconnaître la Catherine dans cette dame à chapeau qui parlait si bien ; et son mari, avec sa figure rasée de larbin et ses beaux habits de drap, ne rappelait guère le Grassin d’autrefois. Leur petit Georges était poli, vif, enjoué et gentil comme tout ; il n’eût demandé qu’à s’amuser avec le Jean, le Charles et la Clémentine ; mais