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la faculté de s’extasier devant des paysages variés. Mais combien d’autres ne voient jamais que les mêmes ! Pour combien la vie ne tient-elle pas toute dans un vallon comme celui-là, dans moins encore : dans une seule des ondulations, dans un seul des replis de ce vallon ! Combien de gens, au travers des âges, ont grandi, aimé, souffert, dans chacune des habitations qu’il m’est donné de voir d’ici, ou dans celles qui les ont précédées sur l’étendue de cette campagne fertile ! Combien ne sont même jamais allés jusqu’à l’un des points où le ciel s’abaisse ! »

Cette pensée me consolait de ne rien connaître moi-même hors des deux cantons de Souvigny et de Bourbon. J’en vins à trouver du charme aux décors variés de mes paysages familiers ; j’éprouvais même une certaine fierté d’avoir la jouissance de cet horizon vaste et je plaignais les habitants des parties basses.


XXVI


M. Parent, le régisseur, venait nous voir souvent et se montrait prodigue d’avis. Mais ses conseils culturaux, d’ailleurs assez peu intéressants, ne tenaient pas la première place : il en revenait toujours aux coutumes de M. Frédéric et à la façon de nous conduire envers lui quand il serait là.

Ce fut en juin que le propriétaire vint s’installer à la Buffère. Par un hasard sans doute calculé, il nous fit sa première visite le soir, alors que nous étions réunis à la cuisine pour le souper. M. Parent l’accompagnait. Je me levai et fis signe à tout le monde d’en faire