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les charrettes au repos s’y voyaient souvent, et aussi, tout au long des murs, de menus outils, des bâtons et des aiguillons ; des débris de paille et de bois, des pierres, des tuiles cassées étaient disséminés çà et là.

La ferme était située sur la partie montante du vallon, quasi au point le plus élevé, ce qui nous donnait, du sommet de l’escalier du grenier, au pignon droit de la maison, une vue magnifique. Il s’étendait, ce vallon, sur une bonne partie des communes de Bourbon, de Saint-Aubin et d’Ygrande, avec un aspect d’amphithéâtre géant. Aux parties supérieures de ses ondulations légères apparaissaient distinctement, entre les haies vives qui les cerclaient, des champs verts, roux ou grisâtres ; d’autres se montraient à demi, juste assez pour laisser voir s’ils étaient en guéret, en chaume ou en pâture ; et, dans les parties basses, il y avait des pièces entièrement dissimulées, des espaces importants dont on ne voyait que les arbres des clôtures, lesquels avaient l’air d’être très rapprochés, de se joindre presque. À l’extrémité d’un grand pré, un taillis mettait son petit carré mystérieux. Des lignes de peupliers géants s’apercevaient en quelques endroits. Et, de loin en loin, dans ces cultures, entre ces haies, entre ces arbres, émergeaient les bâtiments écrasés d’une chaumière ou d’une ferme : c’étaient Baluftière, Praulière et le Plat-Mizot, disposés en triangle tout près, la Jary d’en haut et la Jary d’en bas, un peu plus loin, puis d’autres dont je savais les noms, puis d’autres, très éloignés, dont je ne savais rien, et enfin, à l’autre extrémité du vallon, un chétif pâté de maisons qui était le petit bourg de Saint-Aubin. Par delà, on distinguait encore le grand ruban sombre que formait la forêt de Gros-Bois ; et, par les temps clairs, au-delà bien d’autres vallons, bien d’autres villages, bien au-delà des distances connues, on apercevait, profilant leurs masses noires dans le bleu du