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tenir ouvertes les portes extérieures, on avait peine à y voir en plein midi. La cuisine était la salle commune et on y faisait toutes les grosses besognes. Il y avait, à gauche de l’entrée, la maie à pétrir et, au-dessus, le tourtier avec ses arceaux de bois pour séparer les grosses miches de la fournée qu’on y plaçait côte à côte ; il y avait, à droite, un bahut pour le linge sale, puis un autre bahut, puis une commode ; au milieu trônait la grande et massive table de chêne que nous avions achetée d’occasion, flanquée de ses deux bancs sur lesquels nous prenions place aux heures des repas ; il y avait enfin, dans le fond, une horloge entre deux lits : le nôtre dans le coin le plus rapproché du foyer, comme il est d’usage, et, de l’autre côté, celui de la servante. À gauche, dans le mur du pignon, la cheminée de pierre saillait large et haute ; au-dessus du foyer, la bouche du four mettait son trou noir. La chambre était moins enfumée et plus propre : ma femme y avait fait placer son armoire et les lits neufs qu’il nous avait fallu acheter pour coucher le personnel.

La maison faisait face aux neuf heures, mais le soleil n’en éclairait que bien plus tard le seuil, en raison du voisinage trop proche de la grange et des étables qui étaient placées parallèlement à elle, en avant, à une quinzaine de mètres tout au plus. Dans l’intervalle qui séparait les deux corps de bâtiment, les étables envoyaient leurs égouts qui formaient là une sorte de mare stagnante et noirâtre où baignaient les balles de froment depuis les battages jusqu’au milieu de l’hiver. On mettait à proximité le fumier des moutons qu’on utilisait pour les fumures de printemps. Il y avait en outre, dans cet espace, une auge de bois longue et peu profonde dans laquelle mangeaient les cochons, et une vieille roue placée horizontalement sur trois poteaux pour le jucher nocturne des dindons. Le tombereau et