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— Oh ! moi, que ce soit là ou ailleurs…

Je l’aurais battue… Je me décidai néanmoins à donner une réponse favorable et pour la Saint-Martin de 1853, nous nous installâmes à la Creuserie.


XXV


Notre maison avait deux pièces d’égales dimensions qu’une porte intérieure reliait : la cuisine et la chambre. Leur sol était plus bas que celui de la cour sur laquelle elles ouvraient l’une et l’autre par de grosses portes ogivales, noircies par les intempéries et fortement bardées de fer. Dans la cuisine, une sorte de béton avait été fait jadis ; mais cela s’était dégradé et il n’y avait plus qu’une armée de cailloux pointus qui montraient leur nez d’un bout à l’autre de la pièce ; en balayant, on arrachait de plus en plus le gravier qui les liait ; mais eux restaient là, invincibles. Dans la chambre, régnait au naturel le sol primitif, affaissé au milieu, bossué sous les meubles, avec, un peu partout, des mamelons et des trous. Le plafond appareillait l’appartement : c’était un plancher bas et délabré que soutenaient de grosses solives très rapprochées, couvertes de moisissures blanches, et, dans chaque pièce, une énorme poutre mal taillée soutenue elle-même par un poteau vertical. Des grains de blé et d’avoine, s’échappant de la provision du grenier, passaient fréquemment entre les planches disjointes et les rats en faisaient des réserves sur les poutres. Le jour ne pénétrait que par d’étroites fenêtres à quatre petits carreaux ; en hiver, lorsqu’il faisait sombre et que la température ne permettait pas de