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guérisseur qui vint nous ouvrir en caleçon et bonnet de coton : c’était un petit homme déjà vieux, la figure insignifiante. Il marmonna des prières en faisant des signes sur tout le corps de notre enfant, il oignit son cou d’une sorte de pommade grise et lui souffla dans la bouche par trois fois. Un mauvais quinquet fumeux éclairait cette scène étrange. J’étais impressionné. Victoire pleurait toujours silencieusement. Après qu’il eut fini, l’homme déclara :

— Il ira mieux demain ; mais, par exemple, il était temps de l’amener, vous savez… Dès qu’il ira mieux vous irez faire brûler un cierge devant l’autel de la Vierge.

À notre demande de paiement, il dit :

— Je ne prends rien aux pauvres gens : néanmoins, j’ai là un tronc où chacun met ce qu’il veut.

Il prit sur la cheminée une petite boîte carrée, en bois fumé, dont le couvercle était percé d’un fente : j’y glissai vingt sous et nous repartîmes en hâte, inquiets des deux aînés que nous avions laissés dormant, dans la maison fermée.

Le guérisseur ne nous avait pas trompés. Vers le matin, le bébé vomit des matières aqueuses qui ressemblaient à des crachats durcis et, tout de suite soulagé, il prit le sein. Deux jours plus tard, il était tout à fait remis.

Je me suis souvent demandé, sans pouvoir répondre ni dans un sens, ni dans l’autre, si cette guérison fut d’effet naturel ou si les simagrées du vieux y furent pour quelque chose. Je sais que nombre de gens, très sceptiques, très fortes têtes, ne craignent pas, encore aujourd’hui, d’avoir recours à ces guérisons campagnardes pour se faire barrer les dents, ou se faire faire la prière à l’occasion d’une entorse ou d’une foulure. Et beaucoup constatent qu’ils en ont du soulagement.