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on était toujours assoiffé et il arriva que l’on prit en dégoût ces pâtisseries lourdes qui achevaient d’altérer. Les estomacs lassés se montraient rebelles. Je ne mangeai presque rien au goûter ; je partis le soir sans me mettre à table, et bien d’autres firent comme moi. Comme nous changions de ferme le jour d’après, je crus que l’obsession allait cesser : il n’en fut rien ! Les pâtisseries régnaient de plus belle ; il y eût pâté le matin et galette à midi. C’était trop : tout le monde réclama du lait, même vieux, même écrémé, du lait n’importe comment. La bourgeoise consentit à faire le tour de la table avec sa terrine, mais il était facile de voir qu’elle n’était pas à l’aise ; cela ne lui semblait pas honorable de nous servir ce lait qui était une nourriture commune. Il eut tellement de succès pourtant qu’il en fallut trois terrines pour contenter tout le monde. Mais la métayère ne voulut pas en tirer de leçon au repas suivant, la table se trouva garnie comme de coutume des inévitables galettes et des inévitables tourtons. Je ne mangeais plus rien du tout ; je sentis que j’allais tomber malade tout à fait. Alors j’allai trouver Fauconnet et lui dis qu’il ne m’était pas possible de suivre plus longtemps la machine.

Les aliments de chez nous, la soupe à l’oignon, le pain de seigle et le fromage de vache, me semblèrent meilleurs après cette aventure…


XXIII


Les coqs à l’engrais chantèrent un soir de décembre qu’il y avait de la neige et qu’il gelait ferme. C’était à